31. Les notes d'enquête de Jessica (carnet 1)

Ah je ne serais plus que moins encore que le fantôme de moi-même ! Quand je pense que je l'ai formée quand elle était officier de patrouille, cette bécasse qui pavoise aujourd'hui...

Et bien qu'on se le dise : Jess Vaillant reprend du service ! J'ai peut-être plus le regard aussi perçant qu'autrefois, mais j'ai toujours mon flair légendaire, et moi je sens que dans cette ville, y a pas que des hot-dogs gratuits à se mettre sous la dent...

17h - Avec tous ces bons à rien qui sèchent le boulot pour leur glandouille éternelle au parc, j'ai plus qu'à attendre une meilleure pioche de gentils benêts bavards que l'abruti du club de jardinage et sa pétition pour l'entretien des plates-bandes ou la cruche à l'interrogation métaphysique entre le rouge à lèvres "prune du soir" et "fraise aux abois".

22 h - Létourneau peut s'imaginer que le crime s'arrête quand elle pointe à 16 h, c'est la nuit qu'il faut aller à la pêche aux infos. Ca les rameute comme des moustiques autour d'un lampadaire, mes p'tits indics que le temps n'a pas changé.

"Alors Desmarais ? Quoi de neuf et beau en ville pour que t'aies fait pêter la panoplie tout simili croco ?"

"T'imagines quoi Vaillant ? Ca fait 10 ans qu'on peut enfin se la couler douce depuis que t'as arrêté de vouloir faire régner ton ordre moral qui pourrissait le nôtre, et tu t'imagines que je vais jouer les guides touristiques ? C'est fini le temps où t'avais les moyens de me faire parler !"

*Crétin, maintenant je sais que j'ai quelque chose à chercher*

"Alors Aimeric, comment va ton casier ? Toujours noir comme une page du bottin qui laisse des traces indélébiles sur les doigts ?"

"J'sais pas c'que tu m'veux, Vaillant, mais sans façon. C'est quand même pas ma faute si l'avocat commis d'office qu'était la seule défense que j'avais pas les moyens de me payer a jamais pu prouver qu'j'avais été victime de ce faussaire de mes deux qui se faisait passer pour un visionnaire"

"Et moi maintenant, j'me suis rangé. Le traffic d'art... j'veux dire la galerie, c'est fini, ils m'ont tout saisi, et crois-moi j'me souviens qui je dois remercier pour ça. Me reste plus rien, même mes pompes croco j'ai dû les revendre à c't enfoiré de Desmarais. Alors maintenant, j'vis en honnête citoyen, j'sais rien, j'vois rien."

23h30 - Florian Besson, c'est l'idiot du village.

"J'te préviens Goopy, j'ai tout mon temps et les moyens de te faire parler"

[NDLA : Goopy c'est son nom dans la version anglophone, et je le trouve tellement bien assorti à son non-style que je l'ai adopté comme petit surnom ridicule]

" - Me tape pas, me tape pas ! J'vais tout te dire !
  - J'suis tout ouïe, c'est quoi ce vilain gros secret que tu vas pas savoir garder ?
  - Je sais pas tout, mais les autres ils parlent tout le temps d'un bar où on peut acheter plein de choses qu'on n'a pas le droit, j'sais pas vraiment où c'est..."

2 h - Lise Yang a fini de se faire payer à faire joli pot de fleur dans les soirées, j'vais pouvoir la cuisiner. Des trois pique-assiette professionnels en vue à New Frontier, elle, rien à voir avec cette pimbêche de Mimi Rapat-Sité qui se targue d'avoir été le dernier premier rendez-vous de mon mari, ni avec cet intriguant de John Bigster : on ne l'invite QUE pour agrémenter le décor. Il faut reconnaître qu'elle est modelée pour le rôle.

" - Comment ça vous allez nous cuisiner ? J't'avais dit Lise qu'il fallait pas qu'on vienne ici, y a des vampires qui traînent dans le coin à ce qu'on raconte...
  - Mais nan Carole, faut pas être littérale comme ça : c'est Jess Vaillant, c'était elle l'ultra-sim ici avant Magalie, mais elle a la chance de s'être mariée avec Karim Pilgrim, tu sais, celui qui a joué le rôle du héros dans Panique sur l'hôtel de ville"

Je sais pas comment elle a réussi à la trouver, mais la copine de Lise arrive à lui servir de faire-valoir intellectuel : faut qu'elle se la garde précieusement, elle en trouvera pas de sitôt une deuxième comme ça.

"Bon les filles, c'est pas que je rêve pas d'échanges passionnants avec vous, mais j'ai besoin d'un tuyau... Un bar, plus illégal que notre poker, ça vous dit quelque chose ? On y servirait pas que des boissons sous le comptoir, vous voyez le genre ?"

11h - Cette brave Lise a fini par me rencarder sur un tripot dans les bas-fonds des quartiers industriels de New Frontier. Je suis allée faire du repérage de jour, quand tout était fermé. A vue de nez, je compte déjà une bonne demi-douzaine d'entorses à la législation avec rupture des ligaments.

"  - Je rêve, Vaillant ! Alors ma vieille, toujours à traîner ton nez là où tu ferais mieux de pas mettre les pieds ? C'est vrai ce qu'on raconte ? Paraît qu'y a une gosse qui voudrait tâter du Jojo dans ta famille, bien roulée la petite à ce qu'on dit, tu me l'envoies en stage intensif quand tu veux, j'lui ferai voir les ficelles du métier de près !
  - Jojo la combine !
  - Le seul, le vrai ! Dans la cambriole, c'est pas comme chez la volaille, on n'est pas jetable après usage, on sait encore respecter le code de l'honneur. Mais tu m'rendrais presque nostalgique, à venir traîner sur les territoires de Nick ! La nouvelle ultra-poulette, elle t'arrive pas à la cheville : ça caquette, ça glousse et ça jacasse, mais elle bat de l'aile en moins de deux. Avec toi, les passages par le panier à salades manquaient jamais de sel et de vinaigrette, alors que là... j'ai même pas mis deux jours à me faire la malle du comico"

Ce satané réflexe qui me fait chercher mon flingue à la ceinture...

Mais Jojo, c'est du bon méchant comme on n'en fait plus : il parle toujours trop. Me reste plus qu'à trouver qui est ce Nick.

17 h - Le soleil se couche... Quand j'dis que la pénombre les attire comme des mouches.

" - Aimeric O'Culaut ! Quelle bonne surprise de croiser un honnête citoyen comme toi ici ! Tu passais là par hasard, t'as vu que la nuit allait te tomber sur le coin de la tête, tu cherchais un point de lumière où te poser ?
  - Vaillant, mais c'est pas vrai ! Arrête de te croire obligée de rattrapper le temps perdu avec moi, j'te jure que tu m'as pas manqué une seule fois en dix ans !
  - Ah ouais ? Tu sais à qui j'ai pas manqué non plus ? Ton agent de probation, on se téléphone au moins une fois par semaine, on est resté bien proche, du genre à tout se raconter. Je te fais pas de dessin ?"

" - Bon ok... j'veux bien coopérer... pas trop envie de me retrouver menottes au poignet, sauf contexte personnel et particulier dont j'te fais pas de dessin non plus, j'imagine.
  - Sans façon, non, j'préfère pas t'imaginer ligoté avec tes poignées tue-l'amour, j'compte abuser de toi tout autrement, tu vas voir"

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