35. La vengeance de Lise, 1° partie
Roshan Sagar a fêté son premier anniversaire, quand la maternité exalte toujours davantage la grâce et la douceur naturelles d'Atiya.
Ryszard s'occupe toujours autant de son petit-cousin. J'ai entendu cet ingrat de Bigster rire du fait qu'il ait trouvé un ami de son âge mental, j'aurais bien fait un orphelin si l'état-civil de ce pauvre Roshan n'était pas déjà si complexe.
Karima, elle, digne fille de son père et toute demi-sororale d'Atiya, autre lourd héritage, a décidé en revanche qu'elle en voulait à son demi-neveu.
"T'es tout nul le bébé centre de l'attention que mon ami Ryszard il me parle plus depuis que t'es là ! Moi, mon lapipapotte à moi, il est géant, t'as l'air trop d'un bébé avec le tien !"
J'ignore ce qui, de la détresse de sa fille, de ses deux autres enfants à l'école militaire ou du bébé d'Atiya, l'a décidée à sortir de sa tombe, mais Lise a fait sa première apparition spectrale. Elle a jeté un regard transparent des plus lugubres à Atiya...
Car on sait finalement de quoi elle est morte : c'est la faim qui l'a emportée. C'est étrange, tout de même, de survivre à un éclair pour succomber de famine. Etre à jeun, ça ne lui réussissait pas tant que ça finalement.
Mais l'heure n'est pas aux considérations morbides, ou du moins, elle l'est à d'autres... Repue, Lise était déterminée à expulser Atiya de son lit comme celle-ci l'avait fait avec elle.
Mais réveiller la souche, c'est une gageure, et Lise pouvait s'acharner tant qu'elle voulait, Atiya lui opposait les ronflements de son indifférence.
De dépit, Lise a dû se dire qu'à défaut d'atteindre Atiya, elle se contenterait de l'homme qui partage son lit, avec ceci de commun avec lui qu'elle n'a pas remarqué que celui qui figurait sur le portrait en tête de lit n'est pas le même que celui qui ronfle entre les draps.
Déjà peu habitué aux fantômes, face à celui de Lise en pleine vendetta, le pauvre Julien a eu de quoi mourir de peur. Littéralement.
Je me demande quelle peut être la dernière chose à laquelle on pense.
Alertée par les cris, le fou rire lugubre et les odeurs mortelles, Karima a été la première à arriver.
Atiya, elle, n'avait toujours pas daigné se réveiller, et la Muerte était prête à adhérer à son fan-club.
"Des de cette carrure, même au 9° cercle, on en n'a pas beaucoup ! J'ai hâte de venir te chercher, j'te jure on s'fera des murder-parties d'enfer... Mouahahaaaah !"
Karima et le sens de l'initiative dans les premiers secours, c'est pas vraiment ça, elle se l'entend assez souvent reprocher aux urgences, malgré son système de numéros qu'on appelle. Alors elle est venue me chercher. C'était trop tard, la Muerte en était déjà au laïus sur ses propres problèmes de personnel.
Tout ça a fini, tout de même, par réveiller Atiya...
"Mais c'est quoi ce barouf, vous le faites exprès ou quoi ???? Vous vous croyez dans un hall de gare ??? Y a des gens qui travaillent, eux, et qu'ont un gosse en bas âge et... Tiens ben qui c'est qui meurt ?"
" - M'enfin garde tes larmes de crocodile, Leokadia, est-ce que je pleure moi ?
- Hey ! Atiya ! J'mets quoi sur l'épitaphe ? Tu penses quoi de :
'Ci-gît Julien Evrard.
Il a tant et si bien avalé de bobards,
Qu'à refuser de voir l'amant dans le placard,
Il est mort comme il a vécu, en couard.
RIP quand même quelque part'
- Ch'ais pas Mumu, c'est pas très valorisant pour moi, quand même... L'est mort de quoi, d'ailleurs ? Lui aussi il a oublié de bouffer ?
- Nan ! T'sais pas quoi ! La belle Lise voulait ta peau, mais tu l'as tellement dure qu'elle s'est rabattue sur ton cocu !"
" - Naaaan ! T'as fait ça marâtre ! Mais tu sais que tu m'as rendu un immense servie, à me débarrasser de ce mari encombrant et même pas bon à récolter les plantes ??? Tu seras contente dis donc, à avoir un fantôme rose comme ta couleur préférée à côté de toi derrière tes barbelés des parias !"
Lise, elle était pas contente du tout. Elle avait voulu marquer l'acmé d'une vengeance tragique dans un moment racinien, certainement pas se retrouver au milieu d'un vaudeville dont elle était la dupe presqu'autant que le mari cocu.
Depuis, Lise nous hante : elle espionne toutes les conversations, vole à travers les murs dès qu'elle entend Atiya, à l'affût de la moindre information qui lui permettrait de rattraper tout le temps perdu sous terre.
C'est quand même pas bien dur, de savoir ce qui la toucherait, Atiya... Et moi, ça me fait flipper. Je trouve le fond de l'air un peu macabre.
"Alors Roshan Sagar, je vais t'apprendre tous les mots nécessaires à ta survie... si tu as faim, crie 'bibi, bibi'"
" - Et si tu vois une dame transparente s'approcher de toi, c'est pas une fée... Crie Leokadia, Leokadia, d'accord ?
- Kadi ! Kadi !"
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