22. Tu seras un héritier, mon fils !
Au milieu de la guerre où les lapins nous apprennent que l'amour reste possible même au milieu des balles perdues de leurs hallucinatrices qui le sont davantage, j'ai tout de même réussi à mener ma grossesse à terme. Et franchement, je trouve que je mérite des félicitations additionnelles à celles d'usage !
Quand les contractions ont commencé, j'étais terrifiée. Après tout, l'accouchement, c'est ma phobie depuis la naissance de Shalimar.
"Armaaaaand ! Aouch !! Ca fait maaaaaaaal ! J'ai peuuuuuuur !!!! J'veux pas être écaaaartelée de l'intérieeeeuuur !!"
En fait, ça fait mal un peu, surtout quand l'hôpital super loin fait que c'est trop tard pour la péridurale, mais tout ça, ça devient carrément rien quand on tient dans ses bras son bébé. Mon bébé... C'est tellement de bonheur qui submerge d'un coup, tout prend un autre sens, et franchement, l'accouchement c'est juste passager. J'peux même pas dire que c'était juste un mauvais moment à passer, parce que c'était la naissance de mon bébé... Mon bébé !
Mon petit garçon... Ryszard. Je lui ai donné un prénom polonais en souvenir et en honneur de Maman, ça veut dire "le puissant" : c'est pour lui donner beaucoup de courage et de force dans cette maison de brutes, et reprendre fièrement le flambeau de mon grand-père.
Parce que... petit garçon comme dans garçon à l'intérieur ! C'est lui qui héritera d'Erehwon, j'en suis sûre. Et... dans ta face posthume, Karim ! Anti-loi salique, sale chien !
Atiya était surexaltée quand je suis rentrée de la maternité. Je préfèrerais autant qu'elle s'approche pas trop de lui. Elle voit plus de lapin, mais avec Atiya, quand ces phases sont finies, je me prends à les regretter, parce qu'en pleine possession de ses moyens, elle est pas franchement plus rassurante... Et comme Nounou, à tout prendre et même le pis, je crois que j'ai même plus confiance en Karelle.
En même temps, Atiya, quand elle veut aider, c'est pas comme si elle laissait le choix de dire non. Ou alors faut avoir des organes à gaspiller...
"Ben alors le bébé, c'est quoi qui cloche avec toi ? Regarde t'as ton biberon, bois le gentiment au lieu de me casser les tympans, ou j'te fais du gavage forcé avec une sonde. J'sais la poser, j'te préviens, pas de caprice avec Tata Atiya !"
"Pauvre petit chéri, c'est rien, c'est la tantine Atiya, elle est un peu cinglée, mais si tu évites de la contrarier, elle ne t'amputera d'aucune partie vitale, ni ne te donnera à manger à sa plante-vache si elle arrive à la récupérer, ni ne t'hallucinera en carotte à donner à son lapin qu'elle voit des fois, même si en ce moment ça va mieux de ce côté-là, pour autant qu'on puisse dire qu'elle va bien... Mon conseil en fait : évite la !"
Fort heureusement, ma cousine a trouvé du travail. Pas à l'hôpital, non, l'accès lui y est définitivement bouché, mais, par moments, je me demande si c'est tant que ça Nick Bodin et pas, simplement, son profil psychologique qui traîne là-bas dans les dossiers de Thierry Maboul.
En fait... on lui a simplement refilé du travail Armand et moi, pour éviter qu'elle passe trop de temps avec notre fils, mais on lui a juste pas présenté les choses comme ça. Depuis qu'on est photographes indépendants tous les deux et qu'on a développé un petit réseau, on croule sous les commandes. Alors on a refilé les mariages à Atiya. Ca fera, à n'en pas douter, pleins d'anecdotes à raconter aux mariés...
Atiya s'est bien sûr empressée de vouloir se mettre en frais pour acheter un authentique Luminous Pro et elle se voit déjà exposer à la galerie. Elle veut reprendre contact avec les types à qui elle vendait les faux de Salomeja et leur refourguer ses trucs à elle. Moi, je vais pas me plaindre, surtout si elle peut faire ça avant d'avoir totalement démantibulé le réseau qu'on s'est fait suer à se constituer, mon Armand et moi.
Quant à Lise... je ne sais pas si elle a dit ça sous la menace, mais apparemment, il y a un vrai code de l'honneur chez les hallucinateurs de lapins, parce qu'elle nous a expliqué qu'elle reconnaissait que c'était bien son lapin à elle qui avait séduit Bunnichou, un détournement d'ami imaginaire à grandes oreilles qui l'obligeait à déclarer forfait.
Si elles veulent... Moi, c'est clair, j'veux récupérer Erehwon dans les mains saines de la famille.
Je crois que ça se fera sans Salomé, en revanche.
Pour fêter son diplôme, ma petite soeur a fait une bataille de bombes à eau s'est fiancée avec son Sylvain.
Ils ont décidé de partir faire un grand voyage autour du monde. M'a l'air d'un doux rêveur comme ma petite sœur, son amoureux, j'espère qu'ils arriveront à tenir au moins 80 jours sans se faire dépouiller de leurs sous et de leurs passeports.
Ils sont partis en quatrième vitesse, une offre de dernière minute à ne pas rater sur le net... J'ai même pas pu lui dire au revoir ni lui présenter son neveu, et encore moins lui dire quoi faire si on lui pique ses papiers.
"Et alors tu vois mon chéri, tu as deux tatas : Tata Léanne, ma grande sœur, que tu connaîtras pas parce que Maman a eu la grande tristesse de la perdre quand elle avait 12 ans, et Tata Salomeja, qui est partie faire le tour du monde et j'espère qu'elle, on la gardera en vie... Rhaaa ! Attends, je me concentre à te rendre tout propre, et après je te raconte toute la suite de l'histoire de la famille..."
J'sais pas qui c'est le comité de censeurs extrêmistes qui a décidé de faire flouter la chair de ma chair, alors que c'est quand même vouloir mettre le mal dans un âge où la nudité c'est tout innocent, mais en plus d'être abruti de pudibonderie que ça fait presque froid dans le dos, c'est vraiment pas pratique pour changer les couches de plus voir ce qu'on fait !
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