34. Remise de peine !
Le journal de Leokadia
Aujourd'hui, j'ai obtenu augmentation et promotion ! Finie pour moi la station-service et l'uniforme qui me fait les mêmes fesses qu'aux camions qui viennent faire le plein de gasoil : j'ai été transférée à la supérette, avec un meilleur salaire. J'ai pas trop envie de gâcher ma journée en sortant ma calculette, mais en toute logique, même si c'est pas mon fort, j'devrais quand même mettre au moins une ou deux décennies de moins à rembourser Atiya. Allez, plaie d'argent n'est pas mortelle, même si c'est toujours l'hémorragie programmée sur des lustres...
Parce que l'autre truc concommitant qui arrange trop mes affaires, c'est que comme Salomeja a fini ma pile de devoirs, j'ai même eu des bonnes notes à l'école. Résultat, paraît que je suis un petit génie de tout mener de front : c'est carrément écrit sur mon dossier scolaire, ça me fait trop marrer. Les parents sont ravis, pour eux c'est la bonne influence de Salomeja. Moi j'dirais que c'est plus la très bonne influence que j'ai eue à persuader Salomé de faire mes devoirs à ma place, mais j'vais pas me mettre à jouer sur les précisions avec eux maintenant qu'ils ont un peu moins envie de me renier.
Et le truc absolu, c'est qu'à peine sacrée petit génie, ce qui quelque part me fait une belle jambe sauf dans ma combi, j'ai fait une rencontre mortelle aujourd'hui ! Faut dire que c'est le défilé des indics de Jess à la maison, elle est toujours à donf dans son enquête. Franchement, si je voulais pas à tout prix devenir pique-assiette professionnelle en m'éclatant dans les soirées qui tuent, j'deviendrais flic sinon. C'est une niche à mecs canons mésestimée, les indics, y a de quoi soulever des vocations.
Le seul point noir de mon histoire, c'est que comme d'hab quand Jess ramène ses indics, c'est pas prévu et j'suis trop mal sapée. J'avais ma combi pourrie de pompiste qui sent le mazout, la honte intersidérale.
Bon, j'me suis pas démontée quand même, et je me suis intercalée pour saluer le beau gosse ultime que Jess attendait. Comme j'savais pas quoi dire après, j'lui ai raconté que j'venais d'être promue vendeuse à la supérette et qu'j'étais un petit génie d'après mon dossier scolaire, vu que c'est ce qui m'était arrivé juste avant... Pas top, je sais.
Mais là, le point commun rapprochant qui m'a tuée sur place, c'est quand il m'a répondu qu'il avait commencé comme ça. Maintenant, il est monteur vidéo, mais il a pleins de relations super introduites et un jour, il pense devenir... pique-assiette professionnel.
Là, je suis 200% confortée dans mes choix d'avenir : si j'arrive au bout de mon rêve, non seulement j'serai payée à mettre le feu de l'éclate totale, mais j'pourrai réaliser des rêves connexes comme bosser avec ce mec. Armand, il s'appelle. Armand Moreau.
Jessica elle pouvait prendre l'air excedé tout ce qu'elle voulait, j'ai rien lâché de mon interposition tant que j'avais pas son numéro de phonetel au prétexte de pouvoir l'appeler pour des conseils d'orientation professionnelle. Et elle pouvait soupirer ce qu'elle voulait que pique-assiette c'est pas un métier et qu'y a qu'à écouter Lise Yang pour comprendre que tout le monde peut le faire, j'en avais un peu rien à battre de son avis.
Parce que, l'essentiel, c'est que je l'ai eu, le numéro... J'ai le numéro d'Armand Moreau. J'ai le numéro d'Armand Moreau !
Forcément, M'man qui s'est donné pour mission sur terre de m'empêcher de vivre ma vie a pas dérogé aux règles qu'elle s'est fixée. Elle a beau jeu, en plus, elle sortait encore du jaccuzzi où P'pa a décidé qu'il optimiserait toute sa retraite. C'est simple, j'ose plus aller dans le jardin, j'ai trop peur de ... beurk, rien que d'y penser, j'y mettrai plus jamais les pieds dans le jardin.
J'me suis fait envoyer au lit comme une gamine, c'était encore plus la honte que ma combinaison de mammouth au mazout. Forcément, Atiya, elle, elle a pu rester. En diagonale d'Armand en plus. Ca m'éneeeerve.
<< Episode 33 : Les notes d'enquête de Jessica (carnet 2) | Episode 35 : Les notes d'enquête de Jessica (carnet 3) >> |