12. Les sur-lendemains qui déchantent

Y a des jours comme ça, dès le matin ça commence mal. A peine un pied levé, vous cramez votre chili en risquant de mettre le feu. Vous allez me dire : Léo, qu'est-ce que c'est que cette idée de faire du chili au petit-déjeuner ? Vous irez dire ça à ma femme enceinte, qui s'est levée avec une envie de femme enceinte de manger du chili, là tout de suite, maintement, immédiatement, tout ça parce qu'elle avait vu une pub hier en regardant Miam TV.

J'suis parti au travail en laissant ma douce Irène avec sa meilleure amie Rachel (qui est finalement sympathique quand on apprend à la connaître et qu'elle ne débarque pas chez vous pour vous traiter de gros porc). Mon pauvre amour, qui ne se doutait pas de ce qui se passait pendant qu'elle racontait enchantée comment ça fait un coup de pied dans le ventre de l'intérieur.

Elle discutait toujours de ça avec Rachel quand je suis rentré. Faut dire que je suis rentré pas longtemps après être parti....

Je sais pas vraiment ce qui s'est passé. Je veux dire, je sais VRAIMENT PAS ce qui s'est passé. J'ai reçu un mémo concernant les repérages qu'on avait fait avec les sondes et... j'ai pas eu le temps de lire l'intégralité du briefing, mon doigt a dérapé sur le clavier parce qu'au moment où j'ai reçu le mémo, j'étais en train de manger un sandwich qu'Irène m'avait fait...

Je sais pas quel ordre j'ai donné... P*$µ£%!, j'ignore quel ordre j'ai donné à mes troupes, si c'est pas en soi une preuve accablante d'incompétence... D'ailleurs, l'ordre en question, ça a été une catastrophe. Je crois, mais je suis pas sûr, que j'ai balancé une sonde expérimentale vers les aliens, avec un message codé qui ressemble vaguement à ça :

Enfin bref, un truc ridicule qui les invite à revenir, une vraie catastrophe qui va nous redémarrer la guerre des zarbmondes.

J'ai été viré manu militari... Enfin... moins manu d'ailleurs qu'à coups de pieds militaires aux fesses...

J'ai plus de boulot. Non, c'est pire : j'ai 48 ans, j'ai plus de boulot et ma femme est enceinte de 6 mois. Et j'ai vidé notre compte en banque en achetant des tonnes de layettes, de robes, de magasines et de jeux vidéo.

Irène savait même pas quoi me dire pour me réconforter. L'économie va toujours pas mieux, et peut-être même qu'elle va empirer maintenant que j'ai probablement déclenché la deuxième guerre des zarbmondes.

J'ai peur qu'elle m'en veuille pour les dépenses débiles que j'ai faites.

Et merdeuh !

Non, c'est rien, y a juste du sable dans mes yeux, c'est le désert.

Bon, d'accord... la vérité, c'est que je ne sais absolument pas ce que je vais faire. Et pour l'instant, je veux pas y penser. Je préfère encore lire les magasines que j'avais acheté à Irène pour son congé maternité. Bon, en coin, pas qu'on me surprenne à lire Riches et Célèbres et ses pages mode. Parlant de mode, je refuse de quitter mon uniforme. C'est une question d'honneur. Appelez ça déni de réalité comme Irène si ça vous chante, je suis, je resterai un officier de l'armée. Y a rien d'autre que je sache faire.

Bon, je me ressaisis. A défaut de ramener des sous, je vais essayer de me rendre super utile. Parce que, là, si j'étais Irène, je me quitterais.

Alors... grand nettoyage de fond en comble et tentative de récupération de l'éducation des chiots au programme.

Parlant des chiots, ça a pas duré longtemps, la période petites boules de poil toutes mignonnes. Ils sont déjà grands... J'ai même pas eu le temps de vous les présenter correctement. Je les ai appelé Douce et Docile, en espérant que ça marcherait comme pour Armaghédon, mais en sens inverse, c'est-à-dire qu'au lieu d'avoir des catastrophes qui obéissent jamais et qui grognent sur tout le monde, là ils seraient... doux et dociles, vous avez compris l'idée derrière.

Bon... depuis qu'ils sont grands, malgré les bons soins d'Irène, quatre chiens à la maison ça fait un travail de dingue, et entre les pipis par terre qu'ils trouvent en prime le moyen de laper et les gros trous qu'ils creusent partout, c'est ingérable. Mon chômage forcé servira au moins à rattraper le coup.

Faudrait surtout trouver un moyen de calmer Douce, qui peut pas pifrer sa mère.

Gentille... gentille, la toutoune, elle va apprendre à plus bouger sur commande, la bonne toutoune à son Léo.

Quitte à faire dans l'utile, je me suis même résolu à apprendre un truc complètement inutile à Ela : dans le show-biz, ils veulent que les chiens sachent "parler". Vous emballez pas, c'est pas un tour, faut juste être capable de la faire gueuler à volonté. Ca, j'ai pas l'air malin, à wouf-woufer devant ma chienne. Comme si c'était une bonne idée, en plus, de l'inciter à aboyer tout le temps.

Et ben voilà le résultat : la voilà qui hurle à la mort et qu'entraîne les autres à sa suite... Enfin, au moins ça a payé : elle qui stagnait dans le rôle de figurante depuis toujours, elle a enfin pu être promue. Et des primes, c'est ce qu'il nous faut.

Je répare aussi tout ce qui déconne dans cette maison... et laissez-moi vous dire qu'on a que de la camelote. Ca craint, d'avoir rien d'autre à faire !

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